Interprète(s) : Kygo et Parson James
Paroles originales : Kygo, Kyle Kelso, Michael Harwood, Marli Harwood et Ashton Parson
Tradaptation : Antoine Guillemain
Les mots en gras appartiennent à la terminologie de la tradaptation de chansons. Vous pouvez consulter leur définition dans notre glossaire.
- Il nous a semblé crucial de traduire en priorité l’intention créatrice en recréant des jeux de mots et des images puisés dans le champ lexical du théâtre et du jeu d’acteur. L’original, en effet, joue essentiellement sur des métaphores, sauf à de très rares endroits qui suffisent à lever l’ambiguïté qui pourrait subsister : « for you and me » (pré-refrain n°1), « we used to have it all » (refrain), « kisses fading » (couplet n°2) suffisent à clarifier le lien entre le théâtre et le couple. Par conséquent, nous avons tenu à résister à la tentation d’une explicitation systématique mais aussi à conserver quelques vers plus prosaïques qui énoncent la situation de manière explicite sans recourir à une métaphore : c'est le cas de « Tu sais que l'on s'est aimés » (couplet n°1) et de « Le désir s'est envolé » (couplet n°2).
- Nous avons constaté qu’il n’existait aucune réelle progression proprement dite dans l’ordre de présentation des idées de l’original : dans chaque strophe sans exception, il est à la fois question de la fin de la relation et du succès que cette relation a rencontré en son temps. Il nous a donc semblé facile d’intervertir l’ordre des images sans chambouler le sens textuel de la chanson ni altérer l’effet produit sur l’auditeur.
Dès lors, l’ordre de présentation des images a été essentiellement dicté par la nécessité de s’assurer qu’au sein d’une même phrase, l’enchaînement des idées avec les mots de liaisons « et » et « mais » produise un résultat cohérent, et par la rime et l’accentuation. Par exemple, il nous a semblé important de respecter l’accent tonique naturel du mot « rideau » en faisant coïncider la syllabe « -deau », et non la syllabe « ri- », avec un accent musical. Un vers comme « La salle était pleine à craquer » nous a semblé bien plus chantable dans le pré-refrain, qui est plus mélodique, qu’en lieu et place de « [You] know we’re playing to a full house » (couplet 1), où les appuis sont particulièrement saillants et la métrique particulièrement découpée (« Et la salle était plei-eine » n’aurait pas fonctionné). Ce changement de place s’est effectué sans conséquence puisque l’idée véhiculée par « We’re playing to a full house » est similaire à d’autres idées du refrain telles que « the applause » et « We stole the show » : le succès était au rendez-vous.
- Par conséquent, notre tradaptation repose sur une stratégie générale de compensation par endroit, combinée bien évidemment (comme toujours !) de la recréation. Nous avons donc fait appel à l’imagerie du théâtre pour recréer, en tentant de trouver des métaphores dont le sens textuel soit similaire à celui des métaphores originales, c’est-à-dire jouant sur un double sens théâtralité/relation amoureuse. Citons notamment « brûler les planches » et « l'histoire s’arrête ». Si nous avons perdu une ou deux images comme « The credits all roll down » (qui nous a d’ailleurs semblé appartenir davantage au vocabulaire du cinéma), nous avons gagné « Le maquillage a coulé » (inspiré également par l’idée présente dans « crying »), et « Trois coups au cœur » (référence, bien sûr, aux trois coups frappés à l’aide du brigadier avant le lever du rideau).
Pour ne prendre que quelques exemples de compensation par endroit, citons « Tirons la révérence » (vers 3 du refrain), qui traduit « Take our final bow » (vers 1 du refrain) ; « La foule était debout » (vers 6 du refrain), qui rend à la fois l’idée de « crowd » présente au vers 5 du refrain et l’idée générale du succès rencontré par les deux protagonistes, présente dans « We used to have it all », « curtain call », « we are sold out », etc. ; « Les valets saluent les maîtres » (vers 4, pré-refrain n°2), qui reprend sous une autre forme la figure des personnages récurrents du théâtre, présente dans « No heroes villains… » (vers 1, pré-refrains 1 et 2).
Quant à l’expression-clé du refrain « We stole the show », nous l’avons déclinée en plusieurs expressions : « On a volé la vedette » (vers 5, pré-refrain n°1), « On a brûlé les planches » (vers 1, refrain) et « La scène était à nous » (vers 5, refrain).
La phrase-clé de notre tradaptation devient « Des fleurs sous le rideau ». Cette option nous a d’abord paru plus chantable que les autres qui s’offraient à nous (notamment « La scène était à nous »), De plus, non seulement elle s’inscrit bien dans la poésie de la chanson mais elle symbolise aussi la chanson toute entière : le rideau pour la fin de la relation, et les fleurs pour le succès rencontré. Bien sûr, l’idée des fleurs nous a été inspirée par le vers « While wilted roses fill the stage » du pré-refrain n°1 et par l’image du rideau, récurrente dans l’original (« But now’s our curtain call », vers 2 du refrain, et « So let the velvet roll down », vers 6 du pré-refrain n°2).
De fait, il serait ridicule de dire que tel vers traduit tel vers de manière exclusive : à bon nombre d’endroits, un vers de la CA exprime une idée contenue à plusieurs endroits de la CD, ou vice-versa. Citons également « Le dernier acte a été joué » et « La pièce est terminée » qui s’inspirent tous les deux de « The show it can’t go on ».
- Il nous est rapidement apparu qu’un certain nombre de mots contenant des sons tels que /k/, /p/ et /y/ (voyelle « u ») étaient impossibles à utiliser en raison de la présence de notes saillantes, de longues ou de voyelles légèrement allongées. Nous avons donc dû nous passer de mots tels que « spectacle », « succès », « masque », « réplique », « public », « spectateurs », « saluts », « guichets », « intrigue » ou encore « théâtre ». De même, il nous a semblé particulièrement difficile de faire parler le personnage de la chanson à la première personne du pluriel comme dans l’original, d’abord parce que cela occasionnait un plus grand nombre de syllabes (la conjugaison des verbes – tirons, faisons – requiert au minimum deux syllabes, sans parler du passé composé « Nous avons fait… », « Nous avons joué » !), mais aussi en raison du caractère peu chantable du mot « Notre », surtout quand on lui juxtapose une autre consonne comme le « r » initial du mot « révérence ». C’est ainsi que nous avons choisi d’écrire : « Tirons la révérence » plutôt que « Nous tirons notre révérence », par exemple. Cette formulation n’est guère idiomatique mais nous pensons qu’elle peut passer pour une licence poétique dans cette chanson dont le registre est, dans l’ensemble, plutôt soutenu. C'est aussi pour cela que nous avons préféré « La première était parfaite » à « Notre première était parfaite ». D'autres vers (les deux que nous avons déjà évoqués plus haut) permettent de faire comprendre que les paroles sont en réalité une métaphore du couple, et n’évoquent pas simplement la fin d’une série de représentations théâtrales. Citons cependant un mot assez peu chantable et pourtant utilisé : « orchestre » (pré-refrain n°2). Nous l'avons retenu, il nous faut l’admettre, car nous souhaitions à tout prix conserver l’image de l’orchestre qui continue à jouer.
- Formulons une dernière remarque d’ordre musical : comme souvent, nous avons cherché à reproduire les mêmes sons là où ils étaient particulièrement significatifs dans l’original. Remarquons notamment que le son qui termine la phrase-clé de la CA, « Des fleurs sous le rideau », est proche du son final de celle de la CD, « At least we stole the show ». Par ailleurs, dans le mot « rire » du vers « Mais le rire le rire est mort », on retrouve les sons /ʀ/ et /ɪ/ du mot « thrill » (présent dans le vers « But the thrill the thrill is gone »), et les deux vers possèdent la même métrique (principe 1 mot = 1 syllabe : le vers est rendu très chantable). Certes, le sens textuel est différent (« thrill » ne signifie pas « rire » mais « excitation, vive émotion »), mais dans les deux cas il s’agit d’une sensation que peuvent ressentir les comédiens sur scène, ou le public qui les regarde. En l’occurrence, le vers nous est venu naturellement à l’esprit, et le sens musical nous a paru primer sur le sens textuel : il n’y a qu’à écouter l’interprétation particulièrement larmoyante du chanteur pour s’en convaincre.