Interprète(s) : Jacques Brel
Paroles : Jacques Brel
Interprète(s) : Scott Walker (1967), David Bowie (1973)
Paroles : Mort Shuman
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent
Au large d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dorment
Comme des oriflammes
Le long des berges mornes
Dans le port d’Amsterdam
Y a des marins qui meurent
Pleins de bière et de drames
Aux premières lueurs
Mais dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui naissent
Dans la chaleur épaisse
Des langueurs océanes
Dans le port d’Amsterdam
Y a des marins qui mangent
Sur des nappes trop blanches
Des poissons ruisselants
Ils vous montrent des dents
À croquer la fortune
À décroisser la lune
À bouffer des haubans
Et ça sent la morue jusque dans le cœur des frites
Que leurs grosses mains invitent à revenir en plus
Puis se lèvent en riant dans un bruit de tempête
Referment leur braguette et sortent en rotant
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dansent
En se frottant la panse
Sur la panse des femmes
Et ils tournent et ils dansent
Comme des soleils crachés
Dans le son déchiré
D’un accordéon rance
Ils se tordent le cou pour mieux s'entendre rire
Jusqu'à ce que tout à coup l’accordéon expire
Alors le geste grave alors le regard fier
Ils ramènent leur batave jusqu'en pleine lumière
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui boivent
Et qui boivent et reboivent et qui reboivent encore
Ils boivent à la santé des putains d’Amsterdam
De Hambourg ou d’ailleurs enfin ils boivent aux dames
Qui leur donnent leur joli corps qui leur donnent leur vertu
Pour une pièce en or
Et quand ils ont bien bu
Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles
Dans le port d’Amsterdam
Dans le port d’Amsterdam
In the port of Amsterdam
There’s a sailor who sings
Of the dreams that he brings
From the wide open sea
In the port of Amsterdam
There’s a sailor who sleeps
While the river bank weeps
With the old willow tree
In the port of Amsterdam
There’s a sailor who dies
Full of beer full of cries
In a drunken down/town (?) fight
But in the port of Amsterdam
There’s a sailor who’s born
On a muggy hot morn
By the dawn’s early light
In the port of Amsterdam
Where the sailors all meet
There’s a sailor who eats
Only fish heads and tails
He will show you his teeth
That have rotted too soon
That can swallow the moon
That can haul up the sails
And he yells to the cook with his arms open wide
Bring me more fish set it down by my side
And he wants so to belch but he’s too full to try
So he gets up and laughs and he zips up his fly
In the port of Amsterdam
You can see sailors dance
Paunches bursting their pants
Grinding women to paunch (?)
They’ve forgotten the tune
That their whiskey voices croaked (?)
Splitting (?) the night
With the roar of their jokes
And they turn and they dance and they laugh and they lust
Till the rancid sound of the accordion bursts
And then out to the night with their pride in their pants
And the sluts that they tow underneath the street lamps
In the port of Amsterdam
There’s a sailor who drinks
And he drinks and he drinks and he drinks once again
He drinks to the health of the whores of Amsterdam
Who have promised their love to a thousand other men
They’ve bargained their bodies and their virtue’s all gone
For a few dirty coins
And when he can't go on
He plants his nose in the sky
And he wipes it up above
And he pisses like I cry
For an unfaithful love
In the port of Amsterdam
In the port of Amsterdam
La version d' "Amsterdam" écrite par Mort Shuman nous semble être un formidable exemple de tradaptation réussie. Le sens textuel est très proche de l'original, y compris dans le détail, et les rimes et la métrique sont conservées. La seule différence majeure qui puisse surprendre est sans doute le passage de la troisième personne du pluriel à la troisième du singulier : la version anglaise décrit un marin en particulier, et non tous les marins d'Amsterdam.
Si quelques ajustements ont été nécessaires, en particulier lorsque l'original était particulièrement riche en métaphores, l'anglais abonde lui aussi en images particulièrement crues, et le registre est tout aussi soutenu par endroits. La métrique de plusieurs vers, particulièrement ciselée, se coule très bien dans le rythme lancinant de la chanson. Citons par exemple les vers "So he gets up and laughs and he zips up his fly" et "And they turn and they dance and they laugh and they lust", où encore le parallélisme "That have rotted... / That can swallow... / That can haul up..." qui fait écho au "À croquer... / À décroisser... / À bouffer...". Si quelques extraordinaires métaphores nées sous la plume de Jacques Brel ne se retrouvent pas en anglais ("décroisser la lune", "le coeur des frites", "soleils crachés"), d'autres sont introduites, par effet de compensation : ainsi "their whiskey voice(s) croaked" (où les voix des marins sont assimilées au whisky) et "till the rancid sound of the accordion bursts" (où c'est le son de l'accordéon qui est décrit comme rance, et qui éclate). Citons aussi le verbe "tow", qui appartient au champ lexical maritime, utilisé pour décrire l'action des marins qui ramènent leurs prostituées sous la lumière des réverbères, ou encore l'expression "with their pride in their pants" (litt. : "la fierté dans le pantalon"). Enfin, "On a hot muggy morn by the dawn's early light" est une tournure efficace à la fois crue et poétique qui rappelle le style de la fameuse phrase "Dans la chaleur épaisse des langueurs océanes".